Ecrivain, critique, auteur de L’art contemporain chinois (Flammarion, 2004), Michel Nuridsany est commissaire de l’exposition Une Chine peut en cacher une autre, présentée du 17 janvier au 27 février à la galerie Anne de Villepoix. Pour Ici la Chine, il revient sur la genèse de cet évènement et sur la situation de l’art contemporain chinois.
ILC : Pourriez-vous me raconter la genèse de l’exposition Une Chine peut en cacher une autre ?
MN : Elle est née avant tout d’une rencontre avec Anne de Villepoix, que je connais depuis longtemps. Nous avons un rapport de confiance, ce qui est très important. Mais cette exposition est surtout née du fait que je trouve qu’on a jusqu’à présent très mal montré la situation chinoise.
Le titre «Une Chine peut en cacher une autre» est un déjà une déclaration. J’ai participé à l’exposition au Centre Pompidou, [Alors la Chine ?, 2003, Ndlr.] en faisant la sélection vidéo, mais je n’aime pas du tout cette exposition, de même que je n’ai pas aimé l’exposition de chez Pierre Cardin...
Ici, j’ai voulu montrer la jeune scène. Resituons un peu l’histoire chinoise. La tradition chinoise est une tradition de peinture à l’encre sur soie. Dans cette peinture, il y a un seul geste, et ce geste est parfait ou nul. La peinture à l’huile, en Chine, est considérée comme vulgaire, parce qu’elle permet le repentir, la correction.
A partir de Mao, vers 1949, la peinture à l’huile arrive en force, influencée par l’art réaliste socialiste, et on fait de la peinture pratiquement de propagande. A partir de 85-87, apparaît le groupe, très important, des étoiles. Cela a été un renversement total.
Quand on parle d’artistes contemporains, il y avait à l’époque à la fois des impressionnistes et d’autres comme Huang Yong Ping, qui a fait quelque chose d’extraordinaire : Il voulait exposer ses peintures, ce qu’on lui a interdit. Qu’a-t-il fait ? Il brûle toutes ses peintures et expose le tas de cendres !
Il y a une ensuite toute une période que je ne trouve pas très intéressante, qui est la plus connue. Pourquoi des artistes comme Wang Guang Yi [auteur notamment de la série Great Criticism, dans laquelle il juxtapose des symboles de la société occidentale et des images de propagande du parti communiste chinoise, Ndlr.] sont-ils arrivés sur la scène occidentale ?
En Chine, le gouvernement ne donnait pas d’aides aux artistes, ils avaient même des difficultés à sortir. Ce sont donc des marchands occidentaux qui sont venus et qui ont véhiculé un art plutôt facile, qui pouvait se vendre, ressemblant à du pop art 40 ans après.
En 99-2002, il y a eu une période d’effervescence formidable. On commence à expérimenter de tous côtés, il y a des jeunes, et, pour la première fois, des filles. Cela se passe plutôt à Shanghai, avec des artistes comme Xu Zhen. Ces jeunes artistes sont allés très loin, bizarrement sans subir de répression du Régime. Cela a duré trois ans, depuis l’exposition "Fuck Off" et pendant les Biennales de 2000 et de 2002. Après c’est retombé.
ILC : Pourquoi est-ce retombé selon vous ?
MN : Je pense que ça ne reposait pas sur des bases très solides. Il y avait quatre ou cinq galeries à Shanghai, de même qu’à Pékin. Entre temps, Pékin s’est considérablement développée, avec plus de 300 galeries rien qu’à l’espace 798, qui est l’espace central. Shanghai est un peu en régression. La Biennale a été en régression aussi, la foire n’a pas pris... Tout simplement parce que les gens ne travaillent pas bien. La Chine est un pays compliqué, il faut accepter d’apprendre.
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